Actualité

Nuit Debout : entre indignation et espoir

Depuis quelques semaines c’est un nouveau mouvement dont on entend parler : Nuit Debout. Des centaines de personnes qui se rassemblent sur une place pour discuter ? Un peu mieux que ça. Beaucoup mieux que ça, en fait.

Aux origines de Nuit Debout : la Loi Travail

La première Nuit Debout a été organisée le 31 mars, à la fin d’une journée de mobilisations contre la loi travail. Alors la loi travail, qu’est-ce que c’est ?

La loi travail (ou loi El Khomri, du nom de la Ministre du travail Myriam El Khomri) est un texte présenté par le gouvernement français, dirigé par le Parti Socialiste, visant à modifier le Code du travail, en vue de faciliter l’embauche (embauches qu’en parallèle l’Etat gèle dans le secteur public -voire supprime des postes dans l’éducation, la santé, les transports, etc.). En gros, des salariés plus flexibles et corvéables qui seront du coup plus attirants pour les employeurs. La solution proposée par le PS pour faire diminuer le chômage est donc en définitive de précariser l’emploi.

Modifier le Code du travail ? L’atomiser serait sans doute plus exact. En effet, les modifications consistent en réalité à supprimer ou raboter la quasi-totalité des protections sociales du pays. Ces modifications, de manière totalement avouée et décomplexée, visent à faciliter les licenciements et à limiter les droits sociaux des salariés dans leur entreprise.

On peut citer notamment la suppression de la durée maximale de travail à 10 heures (passage à 12 h), la suppression d’une indemnité minimale perçue par le salarié en cas de licenciement abusif, fractionnement des 11 heures de repos par tranche de travail, suppression de la garantie d’un congé en cas de maladie ou handicap d’un proche, horaires modifiables trois jours en avance… Certains des aspects les plus honteux, comme la suppression de la garantie de congé en cas de décès d’un enfant ou du conjoint, ont été retirés suite aux mobilisations.

Et quelles mobilisations ! Le 31 mars ce ne sont pas moins de 1 200 000 personnes qui ont défilé à travers toute la France ! 

Et c’est donc à la fin de cette journée que quelques étudiants, syndicalistes et intellectuels ont décidé de lancer la première Nuit Debout, en déclarant : ce soir, on ne rentre pas chez nous ! 

Ainsi a commencé l’occupation de la Place de la République à Paris, qui a accueilli une Assemblée générale toute la nuit, rassemblant plusieurs milliers de personnes.

 

Une jeunesse qui veut rentrer dans le débat, et se faire entendre !

Le principe des Nuit Debout ressemble au mouvement Occupy aux USA, ou à celui des Indignés en Espagne. Ces mouvements s’organisent de manière très libre et horizontale, permettant à chacun de s’exprimer. On y débat du manque de démocratie, de la guerre, de la paix, des inégalités, du racisme ou encore de la toute-puissance de l’argent. On y retrouve des gens de tout âge, mais c’est la jeunesse qui a pour l’instant le plus investi ces espaces.

Les jeunes, au final comme la plupart des gens, sont souvent désintéressés de la politique. Cela avait tendance à devenir au pire un sujet propice aux conflits lors des diners de Noël, et au mieux un thème pour faire semblant de posséder un peu de culture générale. Mais c’est un tout autre son de cloche que Nuit Debout entend faire résonner !

La démocratie et la politique ne doivent pas être l’affaire de quelques personnes élues de temps en temps, mais bien celle des citoyens. Se réapproprier le débat et la discussion, et faire entendre un décalage abyssal entre les aspirations de la jeunesse pour le monde dans lequel elle veut vivre, et ce que la société semble préparer.

 

Oui, mais on va vers où avec ça ?

Au centre du mouvement des Nuit Debout, un concept : la convergence des luttes. Qu’est-ce que ça peut bien vouloir dire ?

Dans une société en crise, en proie aux inégalités, à la guerre ou au racisme, chaque secteur se défend. On voit ainsi apparaitre des mobilisations dans les quartiers contre les violences policières, des ouvriers qui se battent contre les suppressions d’emploi, des manifestations contre les idées d’extrême-droite ou encore des grands défilés contre le réchauffement climatique.

Chaque combat semble individualisé, particulier. Chaque groupe de la société mène sa lutte. En Belgique on pourrait dire que les étudiants en médecine demandent leur n° INAMI, des militants écologistes réclament des efforts plus conséquents lors de la COP21, des employés de la SNCB se battent contre la suppression de 6000 emplois, ou encore les groupes anti- racistes manifestent contre les idées d’extrême-droite.

La convergence de ces luttes, c’est affirmer qu’en réalité elles ne font qu’un. Que chaque bataille isolée n’est qu’une branche d’un même arbre, un symptôme d’un même mal. Le mouvement Nuit Debout ne prétend pas avoir réponse à tout, et encore moins solution à tout. Mais tous se reconnaissent dans un profond dégoût d’une société qui ne marche plus que pour l’argent, où la démocratie devient plus un sujet dans les cours qu’une réelle occasion de se faire entendre et de débattre des choix dans notre pays.

 

Chez nous ?!

La France a vu se développer ses Nuit Debout en réaction d’abord à la loi travail. Aujourd’hui, des centaines de Nuit Debout ont lieu chaque soir partout en France, mais aussi en Espagne, en Allemagne… et en Belgique ! Il ne s’agit évidemment pas d’une imitation béate de nos voisins, mais bien la preuve que même sans Loi travail, il y a un malaise chez nous.

Alors non, ce mouvement n’est pas parfait. Il ne prétend pas remplacer toutes les autres formes de mobilisation ou de discussion. Mais il a l’énorme mérite d’exister, dans une période où l’on rabâche à la jeunesse qu’elle est fainéante et accro aux smartphones, et de constituer l’embryon d’un mouvement citoyen démocratique et fort, pour que les citoyennes et les citoyens de tous les pays puissent reprendre le contrôle de leurs vies, et choisir l’horizon à suivre pour nos sociétés !

Commentaires

C'est mieux directement sur l'application ! Essaie-la !