Sensibilisation

Les dangers de la nouvelle loi française de renseignement

La dernière loi française sur le renseignement a été votée ce mardi 5 mai 2015 à l'Assemblée nationale. Cette loi est une conséquence directe des attentats du 11 janvier : face à la menace terroriste constante, les autorités françaises ont décidé de compléter leur arsenal afin de pouvoir prévenir et déjouer de nouvelles attaques. Les mesures spécifiées n'y vont pas de main morte et permettront à l'Etat français, en toute légalité, de collecter automatiquement toutes les données possibles, non seulement sur les terroristes suspectés, mais aussi de tous les citoyens français, européens, … dont les données transitent par un réseau en France.

Évidemment, cette loi a suscité un grand tollé auprès de la société civile, mais également auprès des corps de métier concernés par la sécurité nationale, l'informatique, la justice et les experts légaux. Un des grand axes du texte confie l'autorisation d'écoute directement à l'exécutif, là où auparavant l'accord d'un juge était nécessaire. Désormais, toute demande de collecte de données doit être avalisée par une nouvelle "Commission nationale de contrôle des techniques de renseignement" aux contours toujours très flous. De plus, sous certains motifs d'urgence et de sécurité nationale, cette commission pourra être court-circuitée et l'accord de l'écoute ne dépendra alors plus que du premier ministre, ce qui met à mal le principe de séparation de pouvoirs que certains constitutionnalistes ont décrié.


Pire encore, les services de renseignement, avec seul accord du premier ministre à nouveau, peuvent décider d'installer des "boites noires" partout dans le réseau Internet français, par exemple chez un Fournisseur d'accès à Internet (comme Free, Orange, …) mais aussi chez des hébergeurs de contenus français (OVH, Gandi, …). Ces boites noires, entièrement contrôlées par les services de renseignement, et dont on ne connait pas le fonctionnement car classé secret, verra transiter tout le traffic Internet du point d'accès. Ceci soulève un problème important : supposons que les services de renseignement soupçonne une personne de planifier une attaque, ils vont dès lors installer une boite noire dans le centre d'accès du fournisseur à internet. Ce dispositif, outre de voir les communications du suspect, verra et analysera celle aussi de ses voisins reliés sur le même réseau. De fait, selon l'endroit d'installation de la boite, des milliers de personnes peuvent être espionnées en toute impunité. Même vous, chers compatriotes belges, si vous accédez à un service français, pouvez être à tout moment espionné par les services de renseignement, de même que tous les autres utilisateurs d'Internet du monde.

 

Bien évidemment, le gouvernement et la loi préparent quelques garanties à ce niveau là : les communications en elles-même ne seront pas analysées, mais plutôt les métadonnées : à qui avez-vous parlé, quand, et pendant combien de temps ? De même, si ces métadonnées n'apportent rien à l'enquête en cours, elles devraient alors être supprimées. Bien évidemment, cela dépend du bon vouloir des services de renseignement et le contrôle de cette suppression de données reste difficile à mettre en place …

 

Il ne s'agit ici que des mesures phares de la loi, et pourtant elles suscitent déjà de sérieux problèmes. Notons en plus la création de fichiers recensant de potentiels terroristes, la légalisation de nouvelles méthodes de collectes et de mouchards (comme des fausses antennes GSM dans des manifestations qui permettraient de savoir qui a participé à l'évènement), des délais encore plus long pour la rétention de données, etc. Ce n'est pas pour rien que cette loi est pointée du doigt comme l'équivalent du liberticide "Patriot Act", promulgué par les USA après les attentats du 11 septembre.

Malgré une vive opposition de la société civile, le texte est tout de même passé avec une forte majorité à l'Assemblée Nationale. Il devra encore transiter par le Sénat et le Conseil Constitutionnel, mais les chances sont grandes que la loi entrera en application, entrainant petit à petit des dérives à la "Big Brother" comme Orwell nous l'avait déjà averti il y a plus de 50 ans. Bien que loi française, cela nous, belges, nous concerne tout de même : nous serons également espionnés et décortiqués, et qui sait, peut-être que ce texte donnera l'idée au gouvernement belge de faire de même ...

 

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