Louvain-la-Neuve

Vers une démocratie plus participative

De plus en plus souvent, des citoyens s'inquiètent de la pertinence des décisions prises en leur nom. Cette question fait craindre que  les frustrations et désillusions nourrissent des dérives populistes. À l'inverse, les prises de position citoyennes, lorsqu'elles sont éclairées et argumentées, peuvent redonner vigueur à la démocratie. Il s'agit alors de défendre une citoyenneté active, critique et responsable et d'inciter les mandataires politiques à écouter la société civile. 

C'est dans ce mouvement que s’inscrit l'AH. Elle veut faire entendre les voix des habitants et dans ce but, développer la capacité de faire l'analyse critique des positions des uns et des autres et de confronter les points de vue. Voilà pourquoi l’AH participe activement à la plateforme citoyenne qui demande une consultation des citoyens à propos de l'agrandissement de l'Esplanade. À ce sujet, il s'agit de se donner le droit et les moyens d'interroger les tenants et aboutissants de ce projet vieux de plus de 11 ans et de permettre que s'expriment aussi les objections de ceux qui le contestent, tant qu'il est encore temps. 

L'intention ici n'est pas d'épuiser le sujet mais de plonger au cœur des débats rendus publics, en rassemblant quelques déclarations dans la presse ou sur la toile, exemplatives des positions des uns et des autres. Des sources multiples existent pour vous documenter, vérifier, recouper les informations… et vous forger votre propre opinion.

 

L'extension de l'Esplanade : est-ce acquis ?  Oui… Non… 

"C’est une volonté depuis le début. Dès la première phase, avant même qu’il  n’y ait la première pierre dans la rue Charlemagne et dans le centre commercial, il y avait une promesse entre l’UCL et Klépierre pour une seconde phase. Nos prédécesseurs ont fait une promesse donc nous la tenons."  Marc Francaux, pro-recteur de l’UCL (in DH, 20/01/2017).

"En 1997, il n’était pas possible de créer l’Esplanade au centre de LLN. Le schéma de structure a été changé pour permettre à l’Esplanade de s’y installer." Hadelin de Beer de Laer, président du Conseil Communal (sur son blog, 26/01/2017).

"Nous ne sommes plus décideurs, nous n’avons qu’un avis à remettre. Cela diminue l’intérêt d’une consultation populaire mais ne l’annihile pas. Si on l’organise, ce sera sur la demande de permis, quand l’étude d’incidences sera terminée." Jean-Luc Roland, bourgmestre (PV du Conseil communal du 25/11/2016).

"Rien n’est joué, car le permis unique n'a pas encore été demandé. Et nos échevins nous disent que le dialogue est possible avec le promoteur." Nadine Fraselle, conseillère communale CDH (in DH, 16/12/2016).

 

Eléments pour l'analyse : qui décide de quoi ?

1. Le promoteur, ici Klépierre, qui souhaite agrandir son centre commercial. Il dispose du capital suffisant pour financer la construction de la dalle de béton dans le prolongement de celle qui supporte bâtiments et rues piétonnes. Il doit cependant se plier aux procédures administratives : demande de permis socio-économique, étude d'incidence, demande de permis unique. C’est donc aussi le demandeur.

2. L'UCL, propriétaire des terrains depuis que l’État les a mis à sa disposition. Elle décide seule d'accorder une emphytéose sous réserve de l’octroi du permis. C'est elle qui oriente le devenir de LLN, et qui exerce un pouvoir d'influence sur les mandataires de la Ville et sur le Ministre.

3. La ville d’Ottignies-Louvain-la-Neuve, qui administre le territoire, dispose d'un règlement communal et d'un schéma de structure en révision. Elle a accordé en 2014 le permis socio-économique  juste avant qu'elle n'en perde la prérogative transférée à la RW par une modification annoncée de la législation relative au permis d'implantation commerciale. (PIC)

4. Ensuite, s'agissant de la couverture d'une gare, le permis unique (d'environnement et d'urbanisme) est de la compétence du Fonctionnaire-délégué du SPW (Service public de Wallonie) pour le BW. La Ville n'a donc plus qu'un pouvoir d'avis si le promoteur introduit une demande de permis d'urbanisme. C’est le Fonctionnaire-délégué qui accordera ou non le permis unique. Il devra tenir compte de l’étude d’incidence, de l’enquête publique et des différents avis qu’il doit solliciter.

5. En cas de recours (soit de la Commune, soit du promoteur-demandeur) contre la décision du Fonctionnaire-délégué, le Ministre en charge de l'aménagement du territoire, prend la décision finale. Sa décision doit bien entendu respecter le cadre légal qui, cependant laisse des marges interprétables en fonction de la volonté politique.

"Construire un shopping-center de 40 000 m2 en plein centre urbain, ne relève pas uniquement de l'aménagement du territoire et de l'urbanisme, c'est aussi un acte politique. Dans le cas de la double extension du centre commercial de l'Esplanade, la question primordiale qu'il convient de se poser est la suivante : Ces deux extensions commerciales (longitudinale et latérale) sont-elles indispensables et nécessaires pour la ville, les citoyens de Louvain-la-Neuve et sa région ?" Emmanuel Kodeck, ancien fonctionnaire à la Direction générale de l'Aménagement du territoire et de l'Urbanisme.

 

Et l'avis de la population ?

Tout au long de ce processus, où est l'espace pour informer les citoyens et connaître leur opinion sur le projet ? Ni le propriétaire (l'UCL), ni le promoteur n'ont d'obligation d'en tenir compte. La Ville ayant accordé le permis socio-économique sans consultation de la population et sans l'avis de la Commission consultative de l'Aménagement du Territoire, le débat de fond a été évité jusqu'à présent et tous ignorent ce qu'en pensent finalement les habitants… D'où la demande de la plateforme citoyenne : organiser une consultation populaire avant la demande de permis d'urbanisme. Pour l'AH, cette consultation de la population offre l'opportunité à chacun de s'interroger, et aux mandataires politiques, ensuite, de faire valoir l'avis de la population auprès des décideurs (Klépierre, UCL, Fonctionnaire-délégué, Ministre). 

"Lors de la consultation de la population, choisir massivement d'exprimer qu'on ne veut pas du projet pour cause de mal-consommation a de nombreux avantages, notamment d'être un signal clair à tous les décideurs (Ville, UCL, promoteur) sur ce que les citoyens veulent, et même si ce n'est pas le motif du nombre ni l'argument qui peuvent emporter le décision, ils peuvent peser sur la manière d'appréhender ce dossier et les suivants." Hadelin de Beer de Laer (sur son blog, le 26/01/2017).

 

Quels sont les enjeux ?

Une ville universitaire et non un campus

"Pour nous, cette extension s’inscrit dans le développement de la ville avec une cohérence qui existe depuis le début. C’est-à-dire qu’on veut faire de Louvain-la-Neuve une ville universitaire et non un campus universitaire comme aux États-Unis. Là-bas, pendant les vacances, le campus reste désert lorsque les étudiants sont absents. La première phase de l’Esplanade a amené ce plus pour justement créer une ville, et donc une activité économique lorsque les auditoires sont vides." Marc Francaux (in DH, op.cit.).

Couvrir la gare ?

"Le succès de l’Esplanade a encouragé le passage à la phase 2 qui devait couvrir les rails de la gare et éviter que cela ne devienne une friche (...). Les promoteurs (...) ont marqué leur accord à condition de pouvoir développer leur extension vers l’Est en direction de la Nationale 4 jusqu'à la pompe Total." Paul Thielen (sur http://louvainlaneuvesonesplanade.blogspot.be, 31/01/2017).

"Nous voulons attirer l’attention sur le cercle vicieux dans lequel l’UCL et la Ville se laissent entraîner. Pour elles, le projet d’extension est une opportunité qui permet de financer l’achèvement de la dalle et de couvrir la gare. Un projet excessivement coûteux, avec des contreparties : attirer des grandes enseignes multinationales pour maximiser les loyers." Anne Quévit, Le Soir, 23/06/2017.

Assez de multinationales, une ville pilote d'un développement économique équitable !

L'Université est propriétaire du territoire urbain acquis grâce au financement de la collectivité. Elle dispose donc d'une position privilégiée pour promouvoir le changement vers une consommation responsable et un développement économique équitable respectueux de l'environnement. Ce changement est urgent, tant à l'échelle de notre ville que de notre pays et de notre planète, pour l'avenir des générations futures. Je crains que cette extension ne nuise à la diversité et à la vivacité des petits commerces indépendants de la région. En effet, les alliés majeurs de ce projet sont bien entendu de grandes enseignes (MediaMarkt, Zara, Primark), des rouleaux compresseurs commerciaux fort aises de rassembler toujours plus de clients et de profit grâce à des prix défiant toute concurrence, au détriment de boutiques plus modestes qui souffrent déjà des effets du shopping center actuel. 'Mais les petits commerces pourraient eux aussi s'installer dans l'Esplanade !' me dites-vous. Cette réponse ne satisfait pas du tout : quel boutiquier indépendant a réellement les moyens de s'acquitter de ces loyers exorbitants ? Vous connaissez déjà la réponse." Mathilde Puissant (levif.be, 07/02/2017).

"Dire que l’Esplanade a tué le petit commerce, c’est faux ! Les chiffres que nous avons prouvent le contraire. Nous faisons le pari qu’une extension va doper le commerce local. Et j’ajoute qu’aucun petit commerce dans la ville n’est vide!" Marc Francaux  (DH op.cit.).

"À partir de 2010, le taux de cellules vides est très faible et il le reste au fil des ans. (…) C'est surtout le secteur Horeca qui a comblé le vide réduit depuis 2010. (…) Dans le piétonnier de Louvain-la-Neuve, la part du secteur Horeca a augmenté de 13% entre 2005 et 2016. Sur la période de 2005 à 2016, les services, le secteur divers-loisirs, et les commerces shopping ont vu leurs parts diminuer dans le mix commercial." Étude de Gestion urbaine et commerciale de Louvain-la-Neuve, Phase 1, Diagnostic AMCV, janvier 2017 (pp15 et 16).

"Face au projet d'extension de l'Esplanade, La Dalle (Association des commerçants de LLN) s'inquiète du déséquilibre qui va s'accentuer entre le vieux Louvain-la-Neuve et une grande Esplanade flambant neuve. Nous ciblons particulièrement l'état du bâti et de son esthétique générale." Patrick Ayoub, co-président de La Dalle (02/02/2017).

 

À méditer…

"Il ne faut pas oublier qu’acheter, c’est exister aux yeux des autres." Arnaud Bonnet, Klépierre (in La Libre Belgique, 26/02/2016).

"Les gouvernements et une majorité des acteurs sociaux continuent de se comporter comme s'ils étaient programmés pour la poursuite continue de la croissance." Isabelle Cassiers et Olivier De Schutter lors 21e Congrès des économistes belges.

"Une sorte de schizophrénie… Le film 'Demain' nous montre 'qu'un autre mode de vie est possible', mais en même temps on nous dit : 'Consommez, continuez, soyez performant…'" Isabelle CASSIERS, chercheur qualifié du FNRS et professeur d’économie UCL (in Face à l'info de Pascal Claude, RTBF, mars 2016).

"C'est l'espérance qui est le moteur d'une société. Notre génération a, par exemple, le devoir de dire honnêtement que la génération suivante pourra avoir une vie meilleure en consommant moins. (…) Cela demande des actions courageuses." Philippe Van Parijs, philosophe et économiste (interview dans LLB dans le cadre d’ « Utopie pour le présent », 3/10/2015).

 

Et vous qu'en pensez-vous ? 

Nous vous invitons à le dire, et à participer nombreux aux débats organisés en direct ou sur la toile en préparation de la consultation des habitants qui devrait avoir lieu le 11 juin prochain !

 

En plus 

Pour mieux comprendre le projet Klépierre et ses objectifs financiers : https://www.klepierre.com/content/uploads/2013/07/Klepierre-Lesplanade.pdf. Voir aussi sur leur site les résultats annuels 2016.

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