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La situation en Ukraine

On ne parle plus que très peu de la situation en Ukraine, comme si, de même que la guerre civile en Syrie, elle avait en quelque sorte perdu un certain potentiel d'attraction d'audiences. Mais, tout comme la Syrie, la situation, loin de s'être améliorée, glisse chaque jour un peu plus vers le point de rupture.

~ Historique ~

On ne parle plus que très peu de la situation en Ukraine, comme si, de même que la guerre civile en Syrie, elle avait en quelque sorte perdu un certain potentiel d'attraction d'audiences. Mais, tout comme la Syrie, la situation, loin de s'être améliorée, glisse chaque jour un peu plus vers le point de rupture.

Petit rappel des faits, dans l'hiver 2004-2005 se déroule en Ukraine ce que l'on a appellé la Révolution Orange, visant à l'annulation des élections présidentielles qui s'y étaient déroulées directement auparavant. Le vainqueur de ces élections n'était autre que Viktor Yanukovych/Ianoukovytch, que nous retrouverons bientôt. Mais les institutions finirent par plier sous les demandes de l'opposition et, après un mois de mobilisation, la Cour Suprême ukrainienne déclara les élections frauduleuses et ordonna leur réorganisation. Ces deuxièmes élections furent gagnées par Viktor Yushchenko/Iouchtchenko, qui était de plus un fervant pro-occidental.

C'est ici qu'entre en scène un personnage clé de notre histoire, Yulia Tymochenko, première ministre ukrainienne à deux occasions entre 2005 et 2010. Elle eut une relation difficile avec son président, Yushchenko, pour des raisons de politique intérieure ukrainienne (dont nous vous épargnerons les détails ici) mais aussi et surtout à cause de ce qu'il voyait comme une posture pro-russe de Tymochenko. Il est bon de garder en tête que l'Ukraine est un pays linguistiquement divisé, mais de manière moins exacerbée que la Belgique. Les deux parties du pays parlent techniquement l'ukrainien mais l'est parle un ukrainien très proche du russe et d'importantes poches russophones, vestiges de l'URSS, existent encore à l'est et dans le sud du pays. Cela crée une situation ou l'ouest ukrainien est généralement pro occidental et l'est pro-russe. Tout les partis politiques doivent donc se positionner face à cet important clivage.

En 2010 eurent lieu de nouvelles élections présidentielles en Ukraine, d'où Yanukovych sorti vainqueur contre Tymochenko, et ces élections ne furent que peu ou prou contestées. Très rapidement, Tymochenko perdit son poste de première ministre. Vers la fin de l'année, elle fut assignée à résidence, puis incarcérée jusqu'à aujourd 'hui suite à plusieurs procès et condamnation concernant des accusations allant de l'abus de pouvoir au meurtre, en passant par la corruption. Sa situation fédéra l'opposition autour de sa personne, et de nombreux appels à sa libération furent lancés d'Ukraine et d'Europe.

Mais l'ampleur des protestations de l'opposition et de la population ukrainienne n'atteint pas celle d'aujourd'hui uniquement suite à cette affaire, son origine est à rechercher dans le refus surprise de l'Ukraine (donc de Yanukovych) de signer l'accord d'association avec l'Union Européenne en novembre 2013. 

 

 

 

~ Actualité ~

On a vu dans l'historique que la situation était déjà très instable et proche de créer un affrontement majeur entre le gouvernment et l'opposition à tout moment depuis les dernières élections présidentielles. Ce qui finit par faire descendre par centaines de milliers les ukrainiens dans les rues et d'y rester des mois durant fut donc le refus par Yanukovych de signer le traité d'association avec l'Union Européenne en novembre 2013.

L'Union Européenne a un programme de politique étrangère (le partenariat oriental) destiné à ses voisins et fonctionnant selon le principe du « more for more », c'est à dire que au plus les pays voisins font des efforts pour se rapprocher des normes de l'Union européenne, au plus cette dernière va leur offrir des avantages tels que la libéralisation des visas ou la fin de barrières douanières, avec une perspective d'adhésion en fin de parcours. L'Union Européenne était sensée célébrer les quatre ans d'existence de ce programme en signant des accords d'association avec 3 pays, mais l'Ukraine prévint qu'elle ne signerait pas quelques jours avant la tenue d'un sommet à Vilnius, et qu'elle signerait au contraire un traité avec la Russie, dans l'optique de rentrer dans une union douanière avec elle.

Directement, l'opposition, déjà mobilisée depuis de nombreux mois pour obtenir la libération, ou du moins l'extradition de Tymochenko vers un pays européen pour soigner ses problèmes de santé, se mit à organiser des manifestations monstres à Kiev, telles qu'on en avait jamais vues depuis la Révolution Orange, 10 ans auparavant. Au départ pacifiques et calmes, ces manifestatants durent faire face à la raideur du gouvernement, qui refusa de négocier et tenta de nier la situation en attendant la venue du terrible hiver ukrainien, qui ferait certainement s'éparpiller les manifestants. Mais ce fut la un mauvais pari, car la place de Maidan, renommée Euromaidan, ne désempli pas de tout l'hiver, et ce malgré des température pouvant descendre jusque -20 ou même -30 °C. Il y eut alors une montée de la tension dans les deux camps. L'exaspération des manifestants donnant parfois lieu à des scènes de violences et des lancers de cocktails molotovs sur les forces de l'ordre ; le gouvernment lui se lanca dans l'utilisation du terrible Berkut, la police spéciale ukrainienne, et d'autres stratégies courantes dans la région tels le payement de chomeurs à la journée pour aller « casser du manifestant » ou créer des troubles entre les manifestants et les forces de l'ordre, afin de les pousser à l'affrontement.

Les manifestations changèrent de nature et loin de se limiter à ne demander que la signature du traité d'association avec l'Union Européenne, l'opposition augmenta ses demandes et réclame maintenant la démission du gouvernement et du président, et la tenue immédiate d'élections présidentielles, sans devoir attendre celles prévues pour 2015. Face à la détermination de fer des manifestants ainsi que la diffusion des mouvements de contestation à tout le pays, même les zones pro-russes, considérées il y a peu encore comme des zones sures de soutient au gouvernement de Yanukovych, ce dernier fini par commencer les négociations avec les opposants. Les deux plus extraordinaires actions effectuées par le pouvoir en place furent la démission du premier ministre Mykola Azarov ainsi que les rendez vous entre le président et les ténors de l'opposition desquels sont issus une proposition de postes ministériels poir les leaders de l'opposition qui fut refusée par ces derniers.

Tout cela se passe alors que la Russie devient de plus en plus assertive dans son environnement proche et est en train de se construire une Union Douanière dans les frontières de la défunte URSS afin de faire contre poids à l'UE. Il se dessine donc une sorte de choc géopolitique entre les deux puissances de l'Europe de l'Est, la Russie et l'UE. Les armes de la Russie sont financières, Poutine se disant prêt à verser des dizaines de milliards de dollars à l'Ukraine et ses oligarques afin de les gagner à sa cause et ainsi arrimer l'Ukraine dans son orbite. On a assisté à une situation assymétrique car l'Union Européenne, peut être naïvement, refusait l'utilisation de telles pratiques.

Mais face à la détermination de la rue, au fait que Yanukovych refuse toujours de s'engager formellement avec la Russie ainsi qu'à l'importance même de l'Ukraine les premiers signes de changement de stratégie peuvent commencer à se voir du côté de l'UE. Premièrement, elle débloque des fonds de plus en plus importants à prêter à des taux avantageux pour l'Ukraine, ensuite, pour la première fois, elle a annoncé son intention de voir l'Ukraine intégrer l'Union Européenne et commence de même à étudier diverses sanctions à imposer sur les oligarques ukrainiens. On peut donc espérer voir la situation se débloquer et l'Ukraine choisir une fois pour toute un chemin auquel elle se tiendra pour un certain temps : l'Union Européenne ou l'union douanière russe.

L'Union Européenne a une fois de plus montré son potentiel d'attraction en faisant mobiliser des centaines de milliers d'ukrainiens à sa cause dans un froid glacial dans un pays où enlèvements et torture de membres de l'opposition sont encore courants des mois durant. Si l'Union Européenne est sérieuse dans son soutien au combat d'une grande partie de la population ukrainienne ainsi que dans la défense de sa place dans le monde, ne serait il pas grand temps pour elle de soutenir avec force et sans équivoque l'opposition ukrainienne, sous peine de la voire disparaître ? 

 

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