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Vladimir Poutine, le mini-Machiavel du Kremlin?

On le voit tout particulièrement ces derniers temps, Vladimir Poutine se retrouve à nouveau sur le premier plan de la scène internationale. L’interventionnisme russe en Syrie décrié par les Etats-Unis et de nombreux autres acteurs majeurs ne semble pas trouver de réfractaire ayant suffisament de poids pour l’en dissuader. Au sein même du pays, Vladimir Poutine reste majoritairement considéré comme la meilleure alternative à la direction du pays, et ce malgré une carrière marquée par un nombre impressionnant de zones d’ombre, de magouilles et de jeux d’influence en tous genres. Quel est donc le secret de cet homme pour garder le soutien de son peuple malgré de nombreuses exactions anti-démocratiques?

Biographie

Vladimir Poutine, né en 1952 (63 ans), a commencé sa carrière dans les services secrets russes, le KGB. Après la chute du communisme, il a rapidement grimpé les échelons pour faire partie de la mairie de Léningrad (Saint-Pétersbourg) et le cabinet du président Boris Eltsine en 1996. Lorsque ce dernier démissionne en 1999, Vladimir Poutine devient président par intérim. Lors des élections officielles de 2000, il devient finalement, et ce pour deux mandats consécutifs, président de la fédération de Russie. En 2008, à la fin de son second mandat -le nombre maximal autorisé par la Constitution- Poutine se présente pour devenir chef de gouvernement et est ensuite nommé Premier ministre par le nouveau président Medvedev. Enfin, depuis 2012 et l’apparition d’une loi faisant passer la durée du mandat présidentiel de 4 à 6 ans, toujours en accord avec la constitution, Vladimir Poutine exerce à nouveau le rôle de président de la fédération de Russie.

 

Bien qu’il soit de notoriété publique que les élections aient souvent été entachées de fraudes électorales et que les autres candidats n’aient que très peu de couverture médiatique en comparaison avec Poutine (les médias étant fortement contrôlés par l’Etat), il apparaît que celui-ci garde malgré tout le soutien de la majorité de la population (83% en 2008 et 63% depuis 2012). Ce résultat peut être mis sur le compte du développement économique de la Russie depuis son investiture, ainsi que la diminution de la pauvreté, du chômage et de la criminalité. Cependant, un élément qui ne peut en aucun cas être négligé est son image.

 

Un dirigeant charismatique

Vladimir Poutine est l’archétype du dirigeant charismatique fort. C’est un guerrier, ancien espion ayant survécu à la chute du communisme, judoka de haut niveau, amateur d’armes, de chasse et de balades à cheval torse nu. Que ce soit dans son image ou dans sa politique, Poutine est un homme déterminé, patriote et Westphalien, n’ayant de conseil à recevoir de personne, profondément russophile et prêt à tout pour sa vision du bien de son pays. Ce charisme martial est, par exemple, sensiblement différent de celui d’Obama, plutôt cool et conciliateur. Ce dernier a largement porté ses fruits aux Etats-Unis dans le contexte de la crise économique de 2008, à l’époque où les concitoyens avaient besoin de quelqu’un d’assez paternaliste pour les réunir tous ensemble et les protéger, mais semble ne plus fonctionner aussi bien lorsqu’il s’agit de peser sur les décisions internationales - comme c’est le cas en Syrie pour le moment. L’image de Vladimir Poutine, elle, s’inscrit très bien dans le contexte d’une sorte de mélancolie de la Russie communiste, et il sait très bien en jouer.

 

En effet, de nombreux Russes voient l’époque communiste comme une époque de répression, brutale mais également une époque où tout le monde vivait de la même façon, où les soins de santé étaient plus ou moins gratuits et où l’on ne devait pas surveiller et parler d’argent tout le temps. Lors de la chute du communisme, les usines ont été usurpées par quelques oligarques qui depuis investissent une grande partie de leur capital en Occident, empêchant leur rénovation; les soins de santé sont devenus inaccessibles à une grande part de la population. La grandeur du pays a clairement diminué. C’est sous cette conjoncture que Poutine a accédé au pouvoir comme un reliquat de l’ancien régime considérant la chute du communisme comme la plus grande catastrophe du XXème siècle, mais suffisamment pragmatique pour savoir qu’un retour en arrière est impossible. Ayant directement pris des mesures contre les oligarques, ayant écrasé les volontés indépendantistes tchetchènes, ayant également diminué le chômage de 30 à 17% en moins d’une décennie tout en écartant sans scrupule tout ce qui était contraire à ses intérêts, et en plaçant à la tête de toutes les institutions des personnes lui étant favorables (le nombre de membres de l’ex-KGB ou des structures de force au sein de l’élite serait passé de 13 à 42% à la fin de ses deux premiers mandats). Considérée par certains comme une démocratie dirigée et par d’autres comme une démocrature voire une tyrannie, sa façon de diriger a apporté l’espoir à de nombreux Russes.

 

Sa politique à l'éclairage de Machiavel

On peut également regarder sa politique à l’éclairage de l’ouvrage de Machiavel, Le Prince, pour comprendre son succès.

 

Premièrement, Machiavel décrit dans son ouvrage que la meilleure façon d’atteindre le commandement de l’Etat et le garder longtemps réside dans une prise via ses propres qualités et son habileté; et non par la fortune, les armes ou la scélératesse. C’est typiquement ce qu’il s’est passé avec Vladimir Poutine, issu de nulle part et qui, grâce à un savant mélange de relations, pressions et manipulations a réussi à atteindre très rapidement la première marche du commandement.

 

Ensuite, Machiavel insiste également sur le fait que le Prince doit en tous cas rester à la tête de son Etat et que, si le Prince se trouvait contraint de quitter son poste, il devait le récupérer le plus rapidement possible, ce que Poutine a une fois de plus scrupuleusement effectué à la fin de son deuxième mandat.

 

De plus, il est écrit dans l’ouvrage que le Prince, s’il veut rester longtemps en place, doit préférentiellement être avare et généreux uniquement via des actions ponctuelles, ce qui évitera que le peuple s’habitue à ses largesses et ne se plaigne en cas de récession. Et à nouveau, c’est le cas avec Poutine. Suite à son accession au pouvoir, il a mis la main sur une partie des avoirs de certains oligarques et a mis dans sa poche une série d’autres. Couplé à une augmentation du prix des matières premières, le revenu national brut a considérablement augmenté sans que les mesures sociales ne suivent vraiment, sauf par quelques chocs fortement médiatisés et certaines promesses telles que la non augmentation des taxes.

 

Finalement, une question majeure de l’ouvrage est: “vaut-il mieux être aimé ou craint par ses sujets?“. Machiavel prétend que l’idéal serait d’être à la fois aimé et craint, mais que cela est extrêmement difficile. Or, s’il y a bien une chose que Poutine a réussi à faire, c’est bien se faire craindre (que ce soit par sa politique intérieure répressive ou via son image) mais également d'aimer au moins une partie de ses sujets.

 

Dans ses actions -comme en Crimée par exemple- Vladimir suit également des préceptes prônés par Machiavel tels que l’importance d’annexer des territoires parlant la même langue que celle du sien et de rapidement installer des facilités dans ces nouveaux territoires.

 

En définitive, ce qui est souvent repris pour résumer l’oeuvre de Machiavel, et qui a si bien été utilisé par Vladimir Poutine à peu de choses près au vu et au su de tous, est que le pragmatisme qui vise à la stabilité à long terme d’un Etat peut tolérer un certain degré d’immoralité.

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