Lorsque la Corée du Nord débarque dans les conversations à table ou en soirée, on ne peut s’empêcher d’afficher ce petit sourire narquois, chacun y allant allégrement de sa petite anecdote sur cette caricature du régime dictatorial.
Que ce soient les essais foireux de missiles et fusées en tous genres, la visite surréaliste des parlementaires belges en Corée dans les années 2000 (1), les diverses excentricités des leaders successifs (2), le sujet suscite l’ironie. Mais nous ne devons pas oublier qu’au-delà du coté grand-guignolesque qui prête à sourire pour les plus cyniques d’entre nous, la Corée du Nord reste le régime le plus répressif au monde.
Ainsi nous le rappelle le rapport accablant de la commission des Nations unies dévoilé le 17 février dernier. Certes cette enquête sur la République populaire démocratique de Corée n’apporte rien de vraiment nouveau au niveau du contenu. Les principales violations des droits de l’homme reprochées concernent : les persécutions, les exécutions sommaires, les internements dans des camps, la privation de nourriture, le régime a usé par le passé des pénuries de nourriture pour asseoir sa politique et son emprise sur la population. Mais aussi l’absence de liberté d’opinion, l’Etat conserve le monopole absolu de l’information et veille à endoctriner la population réglant la vie de celle-ci de la naissance à la mort via un culte de la personnalité écrasant.
La nouveauté réside dans la forme. En effet c’est la première fois qu’une commission de l’ONU recense avec autant de minutie, 400 pages, les témoignages relatant les exactions commises dans le pays. Ce qui a pu surprendre aussi, c’est la sortie lors du communiqué de presse du juge australien Kirby chargé de mené l’enquête. Celui-ci a déclaré que les crimes nord-coréens étaient comparables aux atrocités nazies. S’il faut éviter la reductio ad Hitlerum malheureuse, force est de constater que les points de comparaisons ne manquent pas, que ce soient relatifs aux crimes commis ou à la doctrine nord-coréenne, mélange bâtard de collectivisme, de confucianisme et de nationalisme extrême.
Plus que le rapport c’est le but de celui-ci qui pose question. Ce rappel des crimes contre l’humanité et plus encore cette comparaison avec le nazisme instituent, selon certains commentateurs, une sorte de devoir moral d’intervention. Le rapport appelle très clairement à la comparution des dirigeants nord-coréens devant la Cour pénale internationale. Mais un tel scénario n’est pas envisageable tant que le régime est protégé par le puissant voisin chinois qui a déjà rejeté en bloc le rapport onusien.
En conclusion, ce coup diplomatique n’aura sans doute pas de conséquences réelles si ce n’est une nouvelle crispation du régime de Kim Jong-un. Et c’est regrettable car depuis quelques années le régime connait des assouplissements, comme nous le signale le monde diplomatique du mois de février. Deux camps d’internements ont été démantelés, des zones économiques spéciales ont été créées pour le commerce, le régime a entamé récemment des négociations avec son homologue du Sud et on apprend également une légère évolution dans l’appareil judiciaire où on n’emprisonne plus sans procès (3).
Et vous ? Pensez-vous que ce rapport aura une réelle portée diplomatique ? Existe-il un devoir moral d’agir en Corée du Nord ?
Soyez critiques, soyez citoyens !
Sources :
(1) Emission strip-tease de la RTBF : « Une délégation de très haut niveau » Un grand moment de télévision belge !
(2) A ce sujet je vous conseille le très bon documentaire : "Dictateur, un boulot de dingue". Vous y apprendrez notamment le gout immodéré de feu Kim il Sung pour les hamburgers impérialistes KFC importés directement de Chine.
(3) Reste que l’accusé remercie en général le juge pour la condamnation prononcée et se fait sermonner par son propre avocat le long du procès.
Commentaires