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Le redoutable de Michel Hazanavicius

Le Redoutable ! Qui aurait eu l’audace de s’attaquer à cette idole du cinéma, si ce n’est Hazanavicius ? (quoi qu’une adaptation en série Netflix de 10 épisodes ne m’aurait pas semblé improbable, mais en nous épargnant tout chef d’œuvre). Maintenant que Le Mépris pour les biopics Netflix a été manifesté, attaquons-nous à cette critique du Redoutable à vous en couper Le bout de souffle. (dernière fois que je vous fais ce genre de jeux de mots, je m’y engage.)

Le Redoutable est un biopic sur la relation entre la jeune et douce Anne Wyazemski et le redoutable Jean-Luc Godard, le prestigieux réalisateur chouchou de la nouvelle vague. Le décor se pose en 1967, à l’apogée de la carrière de Godard, après les succès consécutifs d’A bout de souffle, Le Mépris et Pierrot le Fou. C’est à cette époque qu’il se met à tourner La Chinoise et où la délicieuse Anne Wyazemski, étant l’actrice principale, tombe sous le charme du charismatique réalisateur suisse. Mais l’échec de son film plonge le réalisateur dans une profonde remise en question de son art. Pour lui, désormais, le cinéma se veut politique ! La machine de Mai 68 est en train de déconstruire la société à tous les étages et bien évidemment le cinéma n’est pas épargné, avec Godard et Truffaut comme messies. Tout le film s’articule autour de la volonté obsessionnelle, bornée et surtout incomprise de Godard de vouloir changer le monde par le cinéma. Et c’est là où sa mauvaise fois, sa puérilité et son ego surdimensionné feront que son engagement aura des impacts dans sa vie sociale, artistique et surtout amoureuse.

Mais que pouvons-nous penser de Godard après avoir vu ce film ? Très peu de belles choses avouonsle. Le film est inspiré du livre Un an après lui-même écrit par Anne Wyazemski (joliment interprétée par Stacy Martin révélée dans Nymphomaniac) qui désacralise le mythe de Godard, le dépeignant comme un monstre odieux, borné et rongé par sa radicalisation obsessionnelle dans laquelle il s’enferme. L’objectivité quant à l’image dépeinte de Godard peut clairement être remise en question. Et j’aurais vraiment voulu voir une réaction de Godard lui-même par rapport à ce film qui ne le met clairement pas en valeur. Cependant, il ne s’est malheureusement jamais prononcé à ce sujet. Au final ce film étant censé être un biopic sur Anne Wyazemski et sur la manière dont elle a vécu sa relation avec Godard se transforme en une critique abjecte du réalisateur, mettant sa femme au second plan en faisant d’elle un personnage secondaire.

Mais Hazanavicius laisse quand même exprimer sa virtuosité dans ce long-métrage. Décidément, ce réalisateur tout terrain n’a pas encore joué toutes ces cartes en main et continue de nous surprendre avec une envie constante de sortir de sa zone de confort et de perpétuellement se renouveler au même titre qu’un Stanley Kubrick ou un Alejandro González Iñárritu à mes yeux. Il reprend cette plastique colorée et les codes du cinéma de Godard, on voit que le réalisateur connaît bien son sujet. Même dans l’humour et dans les phrases culte on reconnaît une certaine inspiration godardienne. On peut rappeler cette scène marquante où l’on voit les acteurs nus après l’un de leurs ébats, discuter de la place de la nudité dans le cinéma, cette ironie ficelée nous rappelle plus d’une scène du cinéma de Godard. Et le choix du casting est remarquable, chaque personnage rappelle avec une ressemblance marquante les protagonistes du cinéma des années soixante. Avec un éloge particulier pour Louis Garrel dont l’interprétation de Godard est à la limite du sosie, tant par le physique que par l’éloquence et le zozotement.

Pour conclure, ce film plutôt bon. Le rythme est soutenu, la forme est godardienne, le casting frôle le réalisme et la dichotomie entre humour, passion et drame politique nous fait ressentir ironiquement ce que Godard aurait peut-être voulu que l’on ressente en regardant du cinéma à cette époque. Où est-ce qu’Hazanavicius nous emmènera la prochaine fois et surtout comment ? La seule chose dont on est sûr, c’est qu’un fou rire s’échappera certainement de la salle à un moment.

Gips

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